Article de Simone Dompeyre



Film nécessaire, rappels indispensables, activation de la mémoire, pourtant immédiate : Sous la Terre, malgré son titre, convoque ce qui la détruit, y compris en surface, en tous les lieux du globe, avec une attraction pour l’Afrique, le Moyen Orient, rejoints par les autres continents, et détournée par la décision meurtrière de Poutine vers l’Europe. Il nomme, en lettres blanches pour la langue française, jaunes pour sa traduction anglaise, et très distinctement les pays touchés et le type de tueries que subissent les peuples… Les mots surgissent en majuscule, en quatre positions dans le champ, deux par langue, dont l’empilement des quatre lignes distingue le conflit Israël-Palestinien qui oppose deux pays, et l’Ukraine attaquée par la Russie, les deux en bandes d’écrits se décalant. Exactions, guerres civiles, conflits, coups d’État militaires et djihadiste voire guerre des gangs sont lancés en un mouvement ascendant, sans autre explication puisque nous savons, nous qui vivons dans un pays non agressé. Et des phrases se succèdent selon le même processus mais en sursautements, sur la trame visible, perturbant la visibilité et faisant choc contre la guerre, contre ce/ceux qui la provoque/nt ; ainsi l’intolérance selon Voltaire ou le capitalisme selon Jaurès, ou « les forts pour prouver aux faibles qu’ils le sont » selon l’auteur québécois Roger Fournié, ou parce que « la guerre que le monde croyait terminée – la guerre froide – ne s’est jamais arrêtée », selon Poutine, lui aussi cité comme Kipling, qui, inversement, donne « la mort de la vérité comme première victime de la guerre ».
La force du geste filmique fait d’autant plus choc que ces cris sans autre énonciation que l’écrit, sont convoqués, en métaphore agie, sur des plans de magma, de lave, d’emportements sismiques, et sur des souffles et des vents tumultueux.
Feu rouge, orangé sur le blanc brumeux des montagnes, gris des tremblements, se superposent littéralement dans le même champ ou en bandes superposées les gardant plus distincts. Parfois les mêmes plans surgissent, colorisés comme le seul habité par un groupe d’humains qui, eux, savourent le spectacle, oublieux du tumulte proche et du danger. La montagne se gondole, le magma se lève, le volcan s’agite. Le numérique détériore l’image sage de la nature, fût-elle en furie. Il duplique la fureur ; la fascination devant les forces telluriques n’y trouve pas son lieu, car le discours écrit est totalement partie prenante de l’image et renvoie à la guerre. Les seuils empêchent, par ailleurs, de s’en échapper : un cercle blanc, cerné d’une bande rouge large ainsi qu’un panneau de signalisation « danger », entoure le titre, et en fin, indique le soutien de P’Silo – à féliciter – avant de mouvoir le rouge et de revenir en bleu irisé sur les plans perturbés de traits de parasites, de la terre.

 

 

@ 2024 by Claude Ciccolella