Février de Claude Ciccolella

15'06   surround   2019


Propos
Février devait être la réalisation finale de ce quadriptyque, ultime vidéo qui a failli ne jamais voir le jour, du moins sous cette forme. Le 5 novembre 2018 deux immeubles rue d'Aubagne, les 63 et 65 s'effondrent, causant la mort de huit habitants et provoquant un terrible choc dans la population. Marseille s'est effondré, Marseille la fascinante, la mystérieuse, Marseille l'accrocheuse s'est perdue. Des manifestations auxquelles je participais, furent organisées par le collectif "5 novembre, Noailles en colère", qui naquit de cette tragédie. Dans les mois qui suivirent près de trois mille personnes furent délogées par arrêté municipal de péril imminent, l'habitat présentant un danger au vu de sa solidité. Au mois de février 2019, je filmais des expériences de plans, des découpes successives de l'espace principalement en panoramiques et en zooms de Notre-Dame-de-la-Garde et du Palais du Pharo. Aveuglé par le traumatisme, les différentes tentatives de montages intégrèrent des fragments de manifestations sous une forme documentaire. Je m'éloignais en toute bonne foi des axes conscients et inconscients des deux premières vidéos. Malgré les critiques constructives formulées pendant les réunions mensuelles du collectif nbc, je continuais à me perdre, n'arrivant toujours pas à faire de choix judicieux pour concilier ma recherche esthétique à la révolte, la colère, la tristesse qui m'étreignaient ? Quelque chose en moi s'était effondré en même temps que ces deux immeubles. Marseille, ville aux multiples odeurs envoutantes était devenue meurtrière. Son insalubrité n'était plus que bruit et sens interdits. Trois mois plus tard le montage prit enfin existence, l'espace urbain marseillais, comme unique motif, pu s'exprimer dans un journal en trois jours. Un panoramique horizontal en va-et-vient, l'urbanité remplit progressivement l'image et chevauchât une cité plus solaire, plans d'immeubles suspendus, en arrêt, dans la quête obsessionnelle de la ville perdue. Les nuages ne suffisent plus au sentiment d'abandon. Les panoramiques verticaux des toits et des murs palpitent de rouge jusqu'au crépuscule des nuages. Marseille n'est plus qu'un rêve, un rêve sublime et cauchemardesque, irréel, un rêve aux multiples superpositions où les univers aux multiples dimensions s'entrechoquent et disparaissent. Avec la théorie des cordes j'envisageais de multiples univers et une réconciliation entre la part immergée de mes émotions et les multiples dimensions de l'espace urbain. Je réconciliais la part infime de mon être et le mouvement général des plans. A l'origine, j'avais prévu une vidéo silencieuse, à la fin du montage je rajoutais du son en écho aux émotions de ces terribles moments, fruits de la politique urbanistique marseillaise. La théorie des cordes est une réconciliation, réconciliation entre la mécanique quantique et la relativité générale en unifiant quatre interactions élémentaires connues : l'interaction nucléaire forte, responsable de la cohésion atomique, l'interaction électromagnétique, responsable des interactions entre atomes, l'interaction faible, responsable de la désintégration radioactive des particules subatomiques, et l'interaction gravitationnelle, responsable de l'attraction des corps massifs. Les cordes, objets fondamentaux de cette théorie, sont cent milliards de milliards de fois plus petites qu'un atome. Ce sont des brins d'énergie qui vibrent de différentes manières pour produire les caractéristiques des particules élémentaires. L'univers est une grande symphonie cosmique d'énergie. Les cordes ouvertes par leur vibration peuvent faire office de pont entre deux objets. Les cordes fermées pourraient être à l'origine de la gravité et de sa particule élémentaire le graviton. Certaines de ces cordes, les branes, sont objets qui s'étirent à l'infini, grands comme des univers, sur un nombre de dimensions variables. La forme des cordes est donc fondamentale. Le Big Bang aurait été provoqué par la collision de deux branes provoquant le déploiement d'une énergie très intense.


Journal de la semaine, trois jours
"Marseille est une ville selon mon coeur. C'est aujourd'hui la seule des capitales antiques qui ne vous écrase pas avec les monuments de son passé. Elle a l'air bon enfant et rigolarde. Elle est sale et mal foutue. Mais c'est néanmoins une des villes les plus mystérieuses du monde et des plus difficiles à déchiffrer." Blaise Cendrars



mardi
Essuie-glace.





mercredi
Le cercle rouge.





jeudi
Un enfant sur un vélo.

 

 

@ 2023 by Claude Ciccolella