Août de Claude Ciccolella

15'41   stéréo   2018


Propos
Premiers repérages de la tour la Marseillaise de Jean Nouvel le 7 août 2018. En la découvrant de près je fus enthousiasmé par son allure, ses motifs, ses couleurs, elle me faisait penser à une sculpture symbolique monumentale, à un totem. Quelques mois plus tôt je venais de finir Décembre que j'avais entièrement réalisé de la captation au montage, de la post-production � la création sonore. J'avais envie de renouveler l'expérience, cette forme de journal cinématographique expérimental : à chaque jour de la semaine une approche différente. Comme avec Décembre j'étais face à un objet unique, mais contrairement à l'île, filmée frontalement et du même emplacement, je pouvais faire le tour de la Marseillaise. Quelques mois plus tôt j'avais lu un article sur l'antimatière dans une revue scientifique. Les antiparticules apparaissaient dans la théorie quantique comme matière "miroir" selon les transformations de l'espace, de la charge ou du temps. Les particules et les antiparticules étaient symétriques, identiquement symétriques, et en contact s'annihilaient mutuellement pour se transformer en énergie pure, les photons ; seule situation connue dans laquelle la masse toute entière était transformée en énergie. Le rêve pouvait commencer à se déployer. la Marseillaise devenait objet de désir et j'allais m'envoler dans une émission de lumière. Mais comment fabriquer l'image de cette antimatière ? Pendant le Big Bang il y aurait eu autant de particules que d'antiparticules, mais où était-elle passée cette matière du début de l'Univers ? Certaines théories scientifiques évoquaient le fait qu'il existerait des antigalaxies et qu'elles seraient invisibles. L'antimatière ayant pratiquement disparue de notre univers, sa fabrication ne pouvait se faire qu'en laboratoire. Mon laboratoire serait mon regard, l'antitour se propulserait directement de mon imaginaire à la rencontre de la tour. Quatre après-midi de tournage de la semaine ont été nécessaires, le mistral m'empêchant de filmer les autres jours. la tour la Marseillaise n'était pas complètement finie, son inauguration eut lieu le 25 octobre 2018. Un des ouvriers attiré par mon manège vint me voir et me demandât ce que je faisais. Je lui proposais de regarder dans l'oeilleton du caméscope. Interrogé par ce qu'il voyait, un fragment de tour, et percevant son incompréhension, je lui expliquai que tout se ferait au montage. La post-production fut complexe et me prit beaucoup plus de temps que pour Décembre. Les rushes apportèrent les directions et les lignes de force, mais tout le travail se fit au montage dans une exploration de mouvements et de recherche de rythme. L'antimatière et les mondes invisibles prirent naissance, se croisèrent et se recroisèrent avec une antitour identiquement symétrique qui en contact avec les images de la tour libéra de nouvelles formes d'énergies, des énergies créatrices. Des fragments de motifs s'enchaînèrent et l'existant imaginaire palpita au rythme d'une construction fractale et temporelle. La Marseillaise fut le vecteur de cette rencontre et de leur transformation. Je ne m'étais fixé qu'une seule contrainte : la durée de chaque plan devait correspondre à l'un des nombres de la suite de Fibonacci converti en vingt cinq images par seconde, suite utilisée comme spirale d'accélération et de précipitation jusqu'à son zéro, moment ultime de la disparition des fragments et de leur forme miroir, en une annihilation et en transformation d'énergie, énergie à remonter le temps et à nous faire disparaître dans une chute originelle.


Journal de la semaine, quatre jours
"... une absence qui devient un territoire de plus pour l'imaginaire... La Marseillaise, hymne à la lumière : une marche, un escalier, une ascension à des passerelles vers ou dans le ciel..." Jean Nouvel



dimanche
Une épure se dessine.





jeudi
L'espace glisse dans le noir.





lundi
La lumière opale irradie.





mardi
Le vent bat l'espace.





lundi
Le vaisseau nous accueille.





dimanche
Le bateau tangue.





lundi
Chute dans le vide.

 

 

@ 2023 by Claude Ciccolella